Le Journal - Samedi 16 juin 1923 - Édition de 5 heures

L'affaire des perles de Mrs Corey

Les perles de Mrs Corey auraient été volées par une de ses domestiques

... Et l'on cherche toujours les douze perles splendides qui, mystérieusement, furent détachées du collier de Mrs Corey, épouse du « roi de l'acier » et châtelaine de Villegénis. Toutefois la minutieuse enquête à laquelle procède le commissaire Gabrielli, de la première brigade mobile, semble devoir établir que le vol a été commis dans le château même de Villegénis; lorsque Mrs Corey monta dans son auto pour se rendre à la gare du Nord, le collier de 500,000 francs n'était déjà plus dans la petite valise où elle l'avait déposé.

En son luxueux pavillon que le parc immense et profond enserre, Mrs Corey nous a fait part de ses soupçons. Le matin de son départ pour l'Angleterre, la milliardaire mit elle-même son collier dans la sacoche. Puis elle se retira pendant une heure dans une autre pièce, où elle s'habilla. Elle revint ensuite dans sa chambre où elle avait laissé le sac qu'elle prit et ne quitta plus jusqu'à Londres. Or il fut établi qu'une seule domestique, très à même de connaître la valeur des principales perles du collier, était entrée dans la chambre pendant l'absence de Mrs Corey. Cette domestique put, en outre, pénétrer le soir dans le garage après que le chauffeur Boueilh, retour de la gare du Nord, y eût remisé l'auto et fut parti pour Paris.

Elle a donc pu déposer sous les coussins de la voiturer où on le retrouva trois jours après, le collier dent elle avait eu le temps, depuis le départ de sa maîtresse, de détacher les douze grains qui en faisaient surtout la valeur.

Et les antécédents de cette femme n'offrent justement pas une garantie quant à son honorabilité. Par elle, en effet, un chauffeur, qui jusqu'en février dernier fut au service de Mrs Corey, était approvisionné en vêtements de toutes sortes provenant de la lingerie de Villegénis. M. Gabrielli retrouva même chez lui six rideaux de tulle, que le chauffeur, devenu hôtelier à Paris, avoua tenir de cette domestique. En outre, une perquisition dans la chambre de celle-ci fit découvrir divers objets, dont plusieurs cuillères en os et un éventail en plumes d'autruche et manche de nacre, appartenant à Mrs Corey, et qu'elle avait, dit la servante, montés dans sa chambre « pour qu'on ne les vole pas » ! Ces diverses constatations et bien d'autres encore firent que M. Gabrielli confronta hier, la domestique et Mrs Corey, confrontation au cours de laquelle la milliardaire accusa formellement sa servante, qui se borna à cette défense sommaire : « Je soul tôta fait innocent. »

Et l'on se demande si les douze perles ne sont pas cachées en quelque coin du parc illimité ; mais allez donc chercher sous tes ronces et les herbes folles ces joyaux qui tiendraient à l'aise dans une main d'enfant !

LA SUITE DES AVENTURES DES PERLES DE MRS COREY DANS :

LE JOURNAL DU MARDI 19 JUIN 1923